> Je m'appelle Victoria Halimi
je suis architecte diplômée d'état.
Je fais de la photographie et de la vidéo.
Je vis et travaille à Paris.
Celle qui a été dévorée
> LIVRES
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« Tire la chevillette, la bobinette cherra. »
Le petit Chaperon rouge tira la chevillette, et la porte s'ouvrit.
Le loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : « Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi. »
Le petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé. Elle lui dit :
« Ma mère-grand, que vous avez de grands bras !
— C'est pour mieux t'embrasser, ma fille.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes !
— C'est pour mieux courir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !
— C'est pour mieux écouter, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux !
— C'est pour mieux voir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents !
— C'est pour mieux te manger. »
Et en disant ces mots, ce méchant loup se jeta sur le petit Chaperon rouge, et la mangea.
Celle qui a été dévorée se jura que jamais plus elle ne quittera le chemin pour courir dans les bois.
Texte : extrait du Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault
victoria h.
Oostende, gris-vert
la ville générique
Novembre 2014
D’après David Mangin (2004), la terminologie de ville générique s’applique à trois réalités bien distinctes : la ville franchisée, la ville sectorisée et la ville individuée.
- La sectorisation renvoie au pouvoir structurant des voies et la logique systématique de découpe de la ville en fractions plus vastes, indifférentes et sans véritables relations qui entraîne un décrochage entre la forme urbaine et l’infrastructure. La ville sectorisée s’accompagne d’un modèle de développe- ment urbain linéaire ou radio-concentrique autour de la ville polarisatrice.
- La franchisation renvoie aux zones qui ne sont pas ou plus sous le contrôle de l’État et qui sont soumises aux logiques privées et à l’hégémonie de l’économie. Il s’agit principalement du modèle de l’entrée de ville : zone commerciale et de la zone d’activité avec ses usines et ses technopoles.
- La ville individuée renvoie aux lotissements bâtis sur les lois du profit et de la rentabilité. Le lotissement représente l’aboutissement d’un processus inexorable : après les voies, "les pistes et règles économiques", il en est l’opération de remplissage.
La Ville Générique est un phénomène urbain généralement déploré qui se déploie à l’échelle mondiale. Elle est présente aussi bien en Asie (dont elle constitue la forme nouvelle de la métropole contemporaine), en Europe (éventuelle destinée de la ville occidentale), en Afrique, en Australie.
Certains continents y aspirent, d’autres en ont honte. «Et si cette homogénéisation apparemment accidentelle était un processus intentionnel, un mouvement conscient, de la différence vers la ressemblance ?» s’interroge Koolhaas, «Et si nous étions témoin d’un mouvement mondial de libération : “À bas le caractère !» (Koolhaas, 2011, p 45), et – poursuivons avec son corollaire – “vive le générique !”.
Mais qu’est-ce que ce générique? Le Dictionnaire de la Géographie de M. Lussault et J. Lévy définit ce terme de la manière suivante : “lieu dont une part importante de ses caractères peut se rencontrer à plusieurs exemplaires”. Ainsi, la Ville Générique - dans sa plus stricte acception - serait une ville dont une grande partie de ses caractéristiques sont repro- duites ailleurs. À ce titre, la plupart des lieux peuvent être perçus comme génériques.
Rem Koolhaas postule l’émergence nouvelle d’une généricité mondiale. Pourtant le lieu générique n’est pas un phénomène nouveau. Un retour sur l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme permet de nuancer cette affirmation (sans doute volontairement caricaturale pour l’efficacité de son propos). En effet, la ville s’est construite depuis l’Antiquité sur des modèles génériques promus par l’Église et l’État. La généricité était alors une culture commune, instrument unificateur nécessaire à une politique colonialiste.
>> Par conséquent, nos espaces sont donc saturés, et depuis longtemps, d’objets génériques.
Le phénomène a connu une ampleur récente avec le contact croissant des lieux auparavant séparés générés par la mondialisation. Cela a renforcé la tendance à reproduire ici des lieux existants ailleurs: l’homogénéisation des villes est donc devenue mondiale. Autrefois peu mobiles et moins sensibilisés par l’image, les individus sont aujourd’hui capables de séparer le générique du singulier. Le regard négatif généralement porté sur la Ville Générique en Occident est dû à la pauvreté des modèles véhiculés.
>> La généricité ne semble pas constituer le véritable motif de récrimination, le fond du problème est l’expression ordinaire sous laquelle elle est véhiculée.
La Ville Générique possède une esthétique sans critères, elle est alors le lieu de tous les possibles la rentabilité et le pastiche de l’historique forment son paysage urbain.
“Que reste-t-il une fois que l’identité a été aban- donnée ? Le Générique?” (Koolhaas, 2011, p 45) La généricité de la ville décrite par Rem Koolhaas, naît de son absence d’identité. Pourtant l’auteur précise : “l’identité émane de la substance corporelle, de l’histoire, du contexte et du réel” (Koolhaas, 2011, p 45).
>> La Ville Générique est la ville sans histoire, mais elle n’est pas pour autant libérée du “carcan de l’identité”. Sa rupture avec la ville traditionnelle est elle-même un facteur d’identité