> Je m'appelle Victoria Halimi
je suis architecte diplômée d'état.
Je fais de la photographie et de la vidéo.
Je vis et travaille à Paris.
Celle qui a été dévorée
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« Tire la chevillette, la bobinette cherra. »
Le petit Chaperon rouge tira la chevillette, et la porte s'ouvrit.
Le loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : « Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi. »
Le petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé. Elle lui dit :
« Ma mère-grand, que vous avez de grands bras !
— C'est pour mieux t'embrasser, ma fille.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes !
— C'est pour mieux courir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !
— C'est pour mieux écouter, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux !
— C'est pour mieux voir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents !
— C'est pour mieux te manger. »
Et en disant ces mots, ce méchant loup se jeta sur le petit Chaperon rouge, et la mangea.
Celle qui a été dévorée se jura que jamais plus elle ne quittera le chemin pour courir dans les bois.
Texte : extrait du Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault
victoria h.
Oostende, gris-vert
Victoria Halimi
Sam 17/03/2018 00:40
Bonjour Madame Delphine Horvilleur,
Je vous écris suite au décès d’une de mes grandes tantes, Madeleine la nuit dernière à l’âge de 93 ans.
Elle aurait voulu se faire enterrer avec son mari qui repose dans le carré juif d’un cimetière de Nice. N’étant pas juive elle-même, l’entrée dans le carré juif pose problème pour certains membres de ma famille et pour le rabbin de Nice avec lequel je me suis entretenue.
Je suis sidérée, triste et en colère de constater que l’on traite cette personne (ex-doyenne de notre famille) comme une pestiférée, craignant d’introduire par sa présence la «pollution» et la «décashérisation» du carré.
Personne ne souhaite l’accueillir dans son caveau, si bien que l’on souhaite éradiquer le problème par une crémation et une place dans un columbarium au plus près de son lieu de décès.
Si je vous écris aujourd’hui c’est dans l’espoir de comprendre ce qui justifie, dans la religion, une telle posture.
La dernière volonté d’une personne me paraît être parmi les choses les plus sacrées.
Comment, dans le cadre d’une famille soudée et de la disparition d’une personne bonne et digne, nous tournons le dos - sans cas de conscience, et collectivement- à ce qui est juste...?
Vous avez dit dans Psychologies Magazine : «Dans le Talmud, il est clairement dit qu’après notre mort nous aurons à rendre compte de ce que nous avons fait alors que c’était interdit. Mais aussi de ce que nous n’avons pas fait alors que c’était permis». Je pense qu’il m’est permis ici de contester l’interdiction.
Je ne suis pas croyante, ce qui ne signifie pas que je suis étrangère à la spiritualité.
Toutefois, je me sens profondément juive.
C’est un sentiment que je ne perçois pas de manière religieuse. Etre juive est une part de mon identité, de mon histoire, de mes traditions et de ma biologie.
Les propos que j’ai entendu aujourd’hui, y compris de la part d’un rabbin, sont bien loin des idéaux d’humanité, d’amour et d’empathie - valeurs qui me semblaient devoir être véhiculées par les religions pour élever l’Homme. Le judaïsme tel qu’il m’a été exposé ce jour relève d’une combinaison de règles permettant la survie d’un entre-soi depuis des milliers d’années. Une religion exigeante, qui, par peur de se dissoudre, rejette l’Autre.
Je ne m’identifie pas à cela. Et pour être honnête, j’en ai honte.
Je réalise bien que vous exposer mes états-d’âme ainsi, nous qui ne nous connaissons pas, peut vous paraitre incongru ou brutal.
Je cherche en vous écrivant des réponses à mes questions, de l’aide dans ma démarche, et peut-être aussi à être rassurée par une voix plus éclairée et éclairante.
J’espère que vous aurez un moment à me consacrer.
Bien à vous,
Victoria Halimi