> Je m'appelle Victoria Halimi
je suis architecte diplômée d'état.
Je fais de la photographie et de la vidéo.
Je vis et travaille à Paris.


Celle qui a été dévorée
> LIVRES
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« Tire la chevillette, la bobinette cherra. »
Le petit Chaperon rouge tira la chevillette, et la porte s'ouvrit.
Le loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : « Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi. »
Le petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé. Elle lui dit :
« Ma mère-grand, que vous avez de grands bras !
— C'est pour mieux t'embrasser, ma fille.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes !
— C'est pour mieux courir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !
— C'est pour mieux écouter, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux !
— C'est pour mieux voir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents !
— C'est pour mieux te manger. »
Et en disant ces mots, ce méchant loup se jeta sur le petit Chaperon rouge, et la mangea.
Celle qui a été dévorée se jura que jamais plus elle ne quittera le chemin pour courir dans les bois.
Texte : extrait du Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault
victoria h.
Oostende, gris-vert

I will survive
Photographie & édition : Victoria Halimi
Objets : exemplaires uniques
dépliants de 7 cartes postales détachables
(format déplié : 70x15cm ; format carte : 10x15cm)
2020



À PROPOS DE LA COLLECTION "la dernière image"
J’arpente depuis longtemps les cimetières du globe à la recherche de la compagnie familière et familiale des fantômes. Obstinément persuadée que, en me faisant passer pour morte, ils me confieront le mystère de l’au-delà... Mais, aussi impassibles qu’incorruptibles, les morts et leur photographie de porcelaine ne m’ont opposé pour toute réponse qu’un pesant silence.
« Il y a dans les yeux humains, même ceux d’un simple chromo, une chose terrible : l’annonce inévitable de la conscience, le cri clandestin qui témoigne qu’il y a là une âme. » (Fernando Pessoa, le livre de l’intranquillité, 1982)
Il y a là une âme.
Maintenant qu’ils l’ont rendue, il ne reste que l’image.
Je me projette dans l’instant capturé de leur vie, devenu symbole sur le marbre froid. Je ne cesse de penser qu’à ce moment précis le modèle n’avait probablement pas conscience de sa fin, ni de cette pseudo-éternité.
Le mystère de la chambre claire, Serge Tisseron évoque la photographie comme support de deuil et de commémoration. Substituant l’absence, on y recherche le disparu. Elle est preuve de son existence, témoignage d’un passé révolu et, éventuellement, représentation transfigurée de l’être aimé.
Avec quel soin cette dernière image a-t-elle été choisie et mise en scène ?
Que raconte-t-elle des morts et de ceux qui leur ont survécu ?
Ultime image, reine de l’autel sur lequel le défunt règne désormais le temps de la concession.
J’ai croisé le regard de nombreux absents et je me suis inventée beaucoup d’histoires. Au détour d’une tombe, j’ai même trouvé un visage qui a reflété le mien.
J’ai mes chouchous : ceux qui me font rire, ceux qui me font de la peine, ceux que j’aurais pu aimer et ceux avec lesquels je ne serais pas partie en vacances. Les graves, les solennels, les procéduriers, les autoritaires ; et, à l’opposé, les légers, les inadaptés, les inconvenants, les bâclés...
Cette collection de la dernière image est la galerie des personnes / personnages / amis imaginaires invités à mon comité d’accueil post-mortem.
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À PROPOS DE LA COLLECTION "le dernier message"
La collection du dernier message met en relation des fragments d’images et de textes glanés dans les cimetières et ses abords. Elle fabrique, par le biais de correspondances (souvent douteuses), une famille recomposée et absurde.
Le dernier message est celui laissé par le défunt, par ses proches, voisins, membres de club,... et par ceux qui en font commerce.
Les épitaphes d’aujourd’hui sont globalement bien loin des messages d’éternité et d’espérance (« ce tombeau sera votre tombeau ! ») qui étaient la norme jadis. Comme le remarque le journaliste et photographe André Chabot, la symbolique religieuse, mystique ou libertaire disparait au profit de messages à caractère quotidien. Sur les tombes actuelles, il est fréquemment mention du métier ou de la passion du trépassé ; on y trouve des plaques « À mon / ma...» précisant le lien familial, social ou affectif avec le défunt ; et puis quelques phrases exprimant le regret et le manque du disparu.
Insensible aux ready-made sentimentaux produits par les pompes funèbres qui standardisent les mots et les ressentis, je suis, en revanche, très touchée par les attentions et les créations, même modestes, des endeuillés.
Il se dit des choses plus intimes, plus spontanées, plus vraies que dans la solennité (parfois pompeuse) des monuments d’avant.
Je reconnais un bénéfice à la désacralisation de la mort : elle a ouvert la voie à des libertés inédites... pour le meilleur et pour le pire. Quant à moi, je recherche les deux. Pour que vive la mort !
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